Saicho et Kūkai – Les enseignements ésotériques entrent au Japon
Saicho et Kūkai – Voyage en Chine En 804, une expédition parrainée par le gouvernement se rend en Chine, à laquelle Saicho (766/7-822) et Kūkai (774–835) prennent part, bien qu’il soit peu probable que les deux hommes se soient rencontrés pendant le voyage. Saicho fut un disciple de Maître Gyohyo qui était lui-même un disciple de Dao-xuan, un éminent moine chinois de l’école chinoise Tiantai. Ainsi, son objectif en Chine était d’étudier avec Maître Daosui, le septième patriarche de l’école Tiantai, afin d’obtenir de l’empereur du Japon l’autorisation officielle de fonder l’école japonaise Tendai. Kūkai, d’autre part, avait développé un vif intérêt pour le Mahāvairocana Tantra (appelé le Sutra Mahāvairocana au Japon ou Dainichi-kyo, texte fondateur des enseignements ésotériques) à la suite d’expériences spirituelles décisives obtenues après une retraite au cours de laquelle il récita l’Ākāśagarbha-bodhisattva sūtra un million de fois. Il avait obtenu une copie du texte, mais une grande partie était en sanskrit, rédigé en Siddham. Son objectif en Chine était donc d’élucider ce texte, et il le fit en apprenant le sanskrit et en recevant des enseignements ésotériques de Maître Huigo, qui avait étudié la tradition Vajrayana avec un moine indo-sogdien et traduit le Mahāvairocana Tantra. Huigo initia Kūkai en tant qu’héritier du Dharma. Après leur retour au Japon, Saicho et Kūkai développèrent une relation amicale qui dura plusieurs années – avant de se rompre lorsque leurs deux écoles en vinrent à se concurrencer – ce qui permit à Saicho, le fondateur de l’école japonaise Tendai, de recevoir durant ce laps de temps les enseignements ésotériques auxquels Kūkai avait été initié en Chine. Mais si ces enseignements ésotériques étaient considérés comme les plus élevés de la nouvelle école Shingon de Kūkai, Saicho chercha lui, à les intégrer aux enseignements du Sutra du Lotus de l’école Tendai. Que sont les enseignements ésotériques ? Kasulis décrit Kūkai comme un « homme qui voulait tout comprendre ». Il ajoute cependant rapidement : « tout comprendre, ce n’est pas tout savoir, c’est simplement amasser tous les faits sur la réalité ». Kasulis oppose le savoir engagé au savoir détaché. « L’ésotérisme favorise le savoir engagé – du genre qui ne peut être compris par des explications dans des lectures ou des conférences, mais doit être expérimenté par soi-même sous la direction d’un maître. Le maître enseigne en montrant et en faisant plutôt qu’en disant et en écoutant, menant des rituels qui emploient tout le corps-esprit, pas seulement l’intellect, des rituels que l’étudiant reproduit pour lui-même. Ainsi, l’ésotérisme n’étudie pas la réalité de manière détachée mais est connu à travers un engagement performatif avec elle ». « L’intention de Kūkai était… de connaître la réalité un peu comme nous connaissons une personne. À ne pas confondre avec la connaissance d’une personne (qui découle de la lecture et de l’écoute de cette personne), la véritable connaissance d’une personne implique une certaine intimité partagée. Connaître l’autre, c’est être à l’intérieur du monde de cette personne ». Même en connaissant un objet, il y a une différence entre le connaître de manière détachée et le connaître de manière engagée. « Lorsque Kūkai quitta les académies dans sa quête de compréhension, il voulait comprendre intimement le monde, mais pas en tant qu’observateur détaché. Il voulait connaître la réalité comme un potier connaît l’argile, contrairement au géologue. Et lorsque Kūkai commença à lire le Sutra Mahāvairocana, il « se rendit compte que le texte ne pouvait être pleinement apprécié qu’en le confrontant à un maître de la tradition ». Kūkai présente les points de contraste entre les enseignements exotériques et ésotériques en termes de « source des enseignements », de « public des enseignements » et de « forme d’expression ».
John W. M. Krummel – Kūkai entry in the Stanford Encyclopedia of Philosophy Retrouvez-moi dans mon prochain article: L’émergence de la pensée de l’éveil originel dans le Japon du IXeme siècle.
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